mardi 31 mai 2016

Inde : Varanasi, la ville sacrée du Gange - du 17 au 20 avril


Après notre escapade en Gorkhaland (Darjeeling) et au Sikkim où nous ne nous sentions pas vraiment en Inde, mais plutôt au Népal ou au Tibet, nous sommes descendus de nos montagnes en faisant une halte à "Siliguri Junction" puis nous avons pris le train de nuit direction ... Varanasi ! Et c'est véritablement là que nous sommes entrés de plain-pied dans l'Inde "réelle" telle que nous la rêvions et la redoutions... En fait, il s'avérera que nous avions tort de la redouter et raison de la rêver !

Nous sommes arrivés aux premières lueurs de l'aube et déjà la chaleur y était écrasante : l'inconvénient de la saison chaude c'est qu'en milieu de journée, ça devient vraiment éprouvant de se déplacer sous 43 degrés, mais l'avantage, c'est que les lieux sont désertés par les touristes (sauf nous et quelques autres évidemment) !


Quoiqu'il en soit, saison chaude ou pas, on ne pouvait pas traverser l'Inde du nord sans y passer : ville sacrée pour les Hindous (l'une des 7 villes saintes de l'Hindouisme), se déployant au bord du Gange, fleuve sacré par excellence, équivalent indien du Nil (mais, au titre du fleuve le plus pollué du monde, sans concurrent pour ce qui est de la pollution...), Varanasi est une cité millénaire dont la longévité (fondée en 1200 av.J.C.), lui a valu, à l'instar d'Istanbul, de changer plusieurs fois de nom (Kashi, Bénarès, puis Varanasi).  

C'est vraiment dans cette ville que nous avons eu l'impression de pénétrer au coeur de l'univers hindou : si les pèlerins s'y pressent par milliers (comme La Mecque pour les Musulmans), notamment sur ses "ghats" (escaliers qui bordent le fleuve) pour se laver de leurs péchés ou assister à la crémation de leurs proches, c'est parce que mourir dans la ville sainte permettrait de se libérer du cycle des réincarnations... D'où la maxime : "voir Varanasi et mourir"...

Petite promenade dans le "gali", véritable labyrinthe de ruelles étroites situé
 derrière les ghats, dans lequel, immanquablement, on croise les
nonchalantes vaches sacrées que nous avions bien pris garde de ne pas heurter...


Un "sadhu", méditant sur les marches d'un ghat : chez les Hindous, le
"sadhu" est un saint homme ayant consacré sa vie au "moksha" (libération
du cycle des réincarnations). Remarquez son trident, symbole de Shiva
(dieu créateur et destructeur) auquel les sadhus prêtent allégeance.
Ils sont nombreux à Varanasi car c'est par excellence la ville de Shiva
(99% des temples lui sont dédiés)...



Les murs des rues et des ghats sont recouverts de peintures et inscriptions en tous genres, indications touristiques, commerciales, de lieux ou de directions, mais principalement de représentations de dieux hindous, comme ci-dessous.

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Un bel oiseau nous souhaitant la bienvenue dans notre hôtel au bord du Gange
Quelques photos prises depuis la terrasse de notre hôtel surplombant le Gange :

Les ghats de Varanasi, et notamment le Dashashwamedh Ghat, l'un des plus célèbres.

L'autre rive du fleuve, grande étendue de sable durant la saison sèche, à l'allure désertique mais
néanmoins peuplée de quelques tentes et de pèlerins venus y faire leurs ablutions.

Pas de raison que les ablutions soient réservées aux seuls humains ! Les buffles aussi ont droit de rafraîchir leurs puissants corps au plus fort de la chaleur indienne...

Varanasi peut se targuer d'avoir une population animale assez variée : outre les vaches et les oiseaux
précédemment évoqués, on pouvait aussi y rencontrer des chiens (au grand désespoir de Marie),
des chèvres, et bien évidemment ... des singes (pour le plus grand plaisir d'Antoine) !


Les adeptes du dieu à tête d'éléphant auront reconnu Ganesha,
recouvert de peinture orange (ce qui n'est pas pour déplaire à Marie),
couleur sacrée chez les Hindous.



Un puissant et néanmoins paisible taureau, digne de devenir "nandi" de Shiva (monture du dieu)
Ci-dessous, les châteaux d'eau de Varanasi, chargés de stocker l'eau "traitée et purifiée" du Gange en théorie propre à la consommation ...


Et comme partout à Varanasi, les châteaux d'eau eux-mêmes sont ornés d'immenses représentations des dieux hindous.


Le "Dashashwamedh Ghat", préparé en vue de la quotidienne "puja" (cérémonie religieuse) de 19h.

Une représentation émouvante de l'affection filiale : Ganesha enserrant de ses bras d'enfants le lingam, symbole de son père, Shiva, reposant sur le yoni, symbole de sa mère, Parvati. L'enchâssement du lingam et du yoni étant bien évidemment lui-même un symbole de fertilité...

Deux petites filles vendant des petites corbeilles de fleurs surmontées de
petites bougies, à déposer sur le Gange tout en faisant un voeu.

Le retour du "tip-bindi-mothu", inévitable à Varanasi !
Le quotidien d'une journée de pèlerin hindou à Varanasi atteint son paroxysme lors de la "puja" du soir qui a lieu vers 19h sur certains ghats, dont le fameux Dashashwamedh sur lequel nous avons pu observer la cérémonie, en nous hissant sur des marchés plus hautes, un peu à l'écart de la foule :


Chez les Hindous, la puja est aussi importante que la messe pour les Chrétiens : rite d'offrande et d'adoration faisant partie intégrante de leur quotidien, il consiste principalement à invoquer une divinité en psamoldiant des mantras, sur fond de musique, de clapements de mains et de clochettes tintinabulantes. 


Le moment le plus marquant (pour les touristes) a lieu à la fin de la puja. C'est ce qu'on appelle l' "arti", autrement dit un rituel centré autour du feu, dans lequel la flamme est offerte à une ou plusieurs divinités. Sur le Dashashwamedh Chat en particulier, l'arti est consacré à la déesse "Ganga".


Durant le rituel, les cinq jeunes hommes costumés brandissent tour à tour encensoirs, chandeliers, coupes enflammées, plumeaux tout en agitant sans cesse une petite clochette de l'autre main.





Parmi les nombreux chants entonnés par la foule, nous en avons retenu un en particulier, le plus célèbre, commençant par le mantra "aum" : le "Om Jai Jagdish Hare", l'arti universel.


Petit exercice de "catéchisme" hindou : les reconnaissez-vous ?

... Un peu dur celle-là : soit Durga, soit Kali, (toutes deux étant liées à
Parvati, avatars ou autres formes de la déesse) tirant la langue comme une
gamine effrontée, et dotée de son divin troisième oeil.

... Beaucoup plus facile celui-là ! LE dieu de Varanasi, Shiva en personne ! Doté de son troisième oeil foudroyant et surtout de son trident, il pose devant les montagnes de l'Himalaya, et surtout au pied
du mont Kailash, la montagne sacrée des dieux hindous.
En venant à Varanasi, nous ne pouvions échapper à l'incournable balade en bateau aux aurores, que les innombrables bateliers présents sur les ghats ne cessent de proposer à leurs proies occidentales : nous avons donc anticipé leurs offres en en réservant une auprès de la Brown Bread Bakery, lieu de retrouvailles des quelques touristes de Varanasi.

La petite corbeille de fleurs et sa bougie pour faire un voeu ... que l'on déposera aux premières
lueurs de l'aube sur le fleuve sacré.


Les pêcheurs déjà au travail.
Eh oui, il y a quand même des poissons dans le Gange, malgré la pollution !

Les premières ablutions de la journée



Passage obligé devant le Manikarnika Ghat, le plus célèbre des ghats de crémation funéraire ...

Les tas de bois pour les bûchers funéraires, constamment alimentés par
bateau. Le bois de santal, qui coûte le plus cher, est réservé aux personnes
des castes supérieures. Quant au feu, qui brûle nuit et jour sans interruption, le
mythe veut qu'il ait été entretenu depuis environ 3500 ans...

... Car il ne faut pas oublier qu'on vient à Varanasi pour y mourir : le cadavre, transporté dans les ruelles du gali arrive sur le ghat, est soumis aux rituels et est notamment immergé dans le Gange avant d'être brûlé (ce qui permet à l'âme du mort d'échapper au cycle des réincarnations et d'atteindre le moksha). Cependant attention : tout le monde n'a pas le droit à cette chance : déjà il faut pouvoir aller à Varanasi ou dans une autre des villes saintes, mais surtout, pour être brûlé au Manikarnika Ghat, il faut être mort de mort naturelle (pas violente). Ce sont donc principalement les corps de personnes âgées qui y sont brûlés.



La "Tour de Pise" de Varanasi : notre batelier nous a narré la touchante histoire de ce fils, qui, désirant
améliorer le karma de sa mère afin qu'elle accède au nirvana, lui bâtit ce temple sur les rives du Gange. Or, ce que le fiston n'avait pas prévu, c'est que ça ne plairait pas à sa mère qui voulait y accéder par elle-même. C'est dès lors que le temple, brillant d'inutilité et de vanité, a commencé à lentement s'effondrer, lui donnant une allure de tour italienne...






Corbeille de fleurs, bougie allumée et voeu sur le Gange... 

Nous avons eu la chance, depuis notre embarcation, d'assister à une puja du matin, réunissant un brahmane (reconnaissable aux trois traits sur son front), et quelques fidèles venus rendre hommage au Gange : son eau est en effet mainte fois utilisée dans le rituel (une eau bénite un peu polluée certes mais sacrée quand même...).




Le brahmane (prêtre) psalmodie les prières rituelles en agitant une clochette
de sa main gauche et en tenant une coupelle remplie de l'eau du Gange
de sa main droite.



Les femmes également font leurs ablutions, mais à la différence des hommes
qui le font presque nus, elles, c'est en saris qu'elles se baignent....

Le Manikarnika Ghat et ses chargements de bois






Autre passage obligé à Varanasi (parce que chaudement recommandé par bon nombre d'Indiens ou de voyageurs ayant séjourné dans la ville) : le Blue Lassi Shop, où se savourent les "meilleurs lassis de Vara-lassi" !


De fait, pour les néophytes, le "lassi" est une boisson à base de lait fermenté traditionnelle de l'Inde, autrement dit un yaourt, un dessert d'autant plus apprécié qu'il permet d'apaiser les bouches en feu après un curry particulièrement épicé...


Alors, les lassis du Blue Lassi étaient bons, mais pas particulièrement transcendants. Ce qui valait vraiment le détour dans cette boutique, c'était qu'elle nous offrait un spectacle qu'on ne pouvait voir qu'à Varanasi : la rue du Blue Lassi étant située sur le chemin du Manikarnika Ghat, pendant qu'on dégustait nos yaourts, ce n'est pas un seul, mais au moins cinq convois funèbres (avec prières, chants et morts portés à bout de bras) que l'on voit défiler sous nos yeux d'occidentaux peu habitués à cet entremêlement quotidien de la vie et de la mort.




 Un atelier de fabrication de batiks dans lequel nous a menés un marchand affable
d'une des rues commerçantes du gali.

Une des oeuvres en cours de fabrication

Ceux qui auront bien lu cet article ainsi que celui sur Angkor auront reconnu
... le lingam juché sur le yoni ! Symboles de fertilité !





Eh oui, le Gange c'est la vie ! On y fait tout, y compris la lessive évidemment !




Petite révision : qui sont les trois dieux du haut ? Facile, c'est la famille la plus connue de la mythologie
hindoue : ... Shiva et Parvati entourant leur fiston Ganesha sur fond d'Himalaya !



La ville à travers la vitre d'un tuk-tuk (ça nous manquait depuis le Sri Lanka....)
Petite visite au Fort de Ramnagar, comme un avant-goût de celui Agra :




Il abrite notamment un musée étrange et hétéroclite, pourvu de voitures anciennes, de chaises à porteurs, de nacelles portées à dos d'éléphants, d'armes exotiques, etc.




Mais surtout, depuis le fort, la vue sur le Gange a quelque chose d'intemporel... Si l'on excepte le grand pont qui se déploie sur la ligne d'horizon.


Derrière cet autre pont en construction, on peut discerner, à fleur d'eau, le pont flottant grâce auquel on peut se rendre sur l'autre rive durant la saison sèche.
Le lingam shivaïste, orné des trois traits blancs du dieu.




Les omniprésents "macaques rhesus", complètement à l'aise dans la cour du fort.


Elles ont beau être sacrées, les vaches se nourrissent de la même manière
que leurs congénères canins honnis et maltraités : triste image que
celle de ces animaux des verts pâturages la tête dans les poubelles...



Plus besoin de vous donner la réponse : vous l'avez reconnu, n'est-ce pas ?
Ainsi que sa bien-aimée qui sort dans un nuage de sa tête ?

Une embarcation dédiée à la célébration de l'un des nombreux mariages qui ont lieu à Varanasi. On a croisé presque autant de défilés de noces que de convois funéraires dans les rues de la ville : la mariée entièrement recouverte d'un voile attaché au couvre-chef de son mari qu'elle suit juste derrière, le tout sur fond de chants et de clapements de mains.

Autre dieu, honoré dans un temple qui porte son nom, tout aussi fameux que
Ganesha : Hanuman, le dieu-singe, ami fidèle de Rama ! 



Le rickshaw et son conducteur payé à coup
de lance-pierres ...

... Et sa version moderne : l'auto-rickshaw, plus connu sous le nom de tuk-tuk !



Le fameux "thali" : plat traditionnel indien à base de riz, de dhal (lentilles) et légumes au curry.


Et voilà, Varanasi, c'était dense, c'était beau, surprenant, dérangeant, plein de couleurs, de vie et de mort ... Mais Varanasi, c'est fini !

En seulement quatre jours, la ville sainte a laissé en nous une impression durable alors même que nous n'avons goûté qu'une infime gorgée du breuvage détonnant qu'elle nous offrait. Il faudra donc y retourner pour le boire jusqu'à la lie !